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Les réactions au système créé par Boole auront une double conséquence. D'une part faire de la logique un enjeu dans les discussions philosophiques, et d'autre part conduire des mathématiciens à s'investir dans un domaine nouveau pour eux. En effet, les questions profondes alors soulevées par le développement des méthodes algébriques sont en résonance avec la production booléenne. La fin du XIX° siècle verra peu à peu s'élaborer, au niveau international, une recherche systématique pour intégrer au mieux cette logique nouvelle au corpus mathématique alors en cours de réorganisation. Ce processus aboutira au début du siècle suivant : la logique est bien une partie des mathématiques, et, de plus, elle en est le socle.
Les conditions économiques et sociales en Angleterre au début du XIX° siècle induisent des tensions dans les milieux universitaires jusqu'alors très fermés. Cette agitation se traduit, pour ce qui nous intéresse, à travers la manière d'insérer la logique dans un enseignement en pleine mutation. Des avancées conceptuelles d'apparences mineures voient alors le jour et c'est sur Boole, mathématicien autodidacte, que tout se cristallise : il réussit à construire un système de type algébrique pour résoudre les problèmes de logique. Son 'algèbre de la logique', qui est vraiment opérationnelle par delà ses réelles insuffisances, sera critiquée, contestée. Mais l'élan a été donné, la logique va devenir une branche des mathématiques.
La vieille logique d'Aristote, après des siècles de quasi-stagnation, s'est trouvée obligée de se plier à l'évolution des connaissances après la renaissance. Une importante « remise à niveau », prenant en compte la percée algébrique et philosophique de Descartes, fut le fait du courant janséniste à travers la « Logique de Port-Royal » à la fin du XVII° siècle. Au siècle suivant, parallèlement au développement de l'analyse mathématique, Leibniz, Lambert et d'autres vont tenter d'intégrer au corpus logique les nouveaux outils de connaissance qu'ils sont en train de fabriquer, avec cependant des résultats décevants. Au début du XIX° siècle, Gergonne utilise ce qu'il sait de combinatoire pour retrouver, par des raisonnements de « géomètre », la syllogistique du moyen âge. Mais dans les faits, la logique reste toujours une branche de la philosophie bien éloignée des calculs mathématiques.
Nous nous intéresserons aux premières théories de la mesure élaborées à la fin du 19e siècle et nous les utiliserons pour distinguer le processus d’abstraction du processus de généralisation. En effet, nous retrouvons des généralisations dans les versions calculatoires de la mesure proposées par Peano (1887), Jordan (1892) et Lebesgue (1902). En 1898, Borel présenta une nouvelle façon de définir la mesure : au lieu de la définir par un calcul, la notion doit satisfaire une liste de propriétés. Cette nouvelle façon de définir une notion implique un changement d’attention de la part de Borel et ce changement lui permettra de « reconstruire » la notion dans le sens où certaines propriétés des versions calculatoires deviennent constitutives de la nouvelle notion.
"Das Wesen der Mathematik liegt gerade in ihrer Freiheit" (L'essence des mathématiques réside précisément dans leur liberté). Cantor (1883).
Le mathématicien allemand Georg Cantor a révolutionné les conceptions de sa discipline dans la deuxième moitié du 19e siècle en inventant la théorie des ensembles. Sa correspondance avec des interlocuteurs français nous révèle bien des aspects peu connus de cette personnalité d'exception : son goût pour le débat philosophique, théologique, ainsi que son intérêt pour l'occultisme. Elle révèle aussi l'intensité des efforts qu'il a déployés en vue d'établir des relations scientifiques internationales impliquant en particulier Allemands et Français, dans la période de crispation qui suit la guerre de 1870-1871. La réussite du premier congrès international des mathématiciens à Zurich en 1897 en est la manifestation éclatante. La correspondance de Cantor avec des Français éclaire de manière inédite les relations scientifiques franco-allemandes dans les dernières décennies du 19e siècle.
Alan Turing (1912-1954) est, à juste titre, considéré comme le co-inventeur de l'ordinateur (avec J. von Neumann). La « machine de Turing universelle » est bien une préfiguration théorique du « calculateur programmable ». Dans ses travaux fondateurs de 1936, Turing se référaient directement à des questions de calculabilité (les nombres réels calculables) et de décidabilité (le problème de la décision, ou Entscheidungsproblem de Hilbert). Dans l'article de 54, c'est en partant de considérations moins « confidentielles », destinées à un plus large public, qu'il présente une (petite) partie de la théorie de la calculabilité. Les « puzzles » (casse-têtes, énigmes, etc.) forment le point de départ de la discussion. Partant de ces « récréations mathématiques », Turing expose une nouvelle formalisation des algorithmes, dans l'esprit des travaux plus récents de Post et Markov.
Nous retrouvons au 19e siècle quatre façons de définir ou de comprendre la notion mathématique d’intégrale : l’intégrale de Cauchy, l’intégrale de Riemann et les versions calculatoire et axiomatique de l’intégrale de Lebesgue. Nous proposons d’étudier les généralisations de ces façons de définir l’intégrale en introduisant deux types de généralisations : les généralisations conservatives et les généralisations innovantes. Dans le premier cas, la façon de définir l’intégrale ou de calculer l’intégrale est conservée et son extension est augmentée, c’est-à-dire qu’il y a plus de fonctions qui sont intégrables selon cette façon. Dans ce second cas, la façon de comprendre l’intégrale change et il y a une réinterprétation, voire une reconstruction de la notion.
Franz Goldscheider (1852-1926) est un « ancien élève » de Cantor, professeur de mathématiques dans un lycée de Berlin. La lettre de Cantor du 18 juin 1886, dont nous donnons ci-dessous une traduction française, est la première manifestation connue d’un échange entre les deux mathématiciens, qui se poursuivra de 1886 à 1888. Cette première lettre constitue un véritable exposé introductif des fondements de la théorie cantorienne des ensembles, présentant les notions de cardinaux et d'ordinaux et leurs premières manipulations opératoires.
Les mathématiques ont bénéficié, dans la France et l’Europe du XIXème siècle, d’une nouvelle forme de communication : les périodiques qui leur ont été dédiés. Les Annales de Joseph-Diez Gergonne, publiées mensuellement de 1810 à 1832, constituent le premier journal de mathématiques. Joseph Liouville, en digne successeur de Gergonne, publia à partir de 1836, sous une forme héritée des Annales, le Journal de Mathématiques Pures et Appliquées. Nous nous intéressons ici à ces deux périodiques sous un angle transdisciplinaire : histoire de la diffusion scientifique en les situant par rapport à d'autres journaux de cette première moitié du XIXème siècle, histoire des mathématiques, épistémologie.
Achille Brocot (1817-1874) semble davantage connu des amateurs d'horlogerie que des mathématiciens et pourtant cet amateur a fourni un joli travail (Brocot 1961) sur l'approximation rationnelle et laissé son nom à une structure arborescente représentant les rationnels (conjointement avec le mathématicien allemand Moritz Stern pour un travail indépendant de celui de Brocot). Reprenons quelques éléments biographiques de cet illustre inconnu.